Rencontres chorégraphiques de Carthage 2022, la danse, ce miroir de soi… et du pays
Danser n’est jamais un acte isolé, inconscient surtout quand il s’agit d’une création chorégraphique. Acte conscient, réfléchi, avec une écriture chorégraphique structurelle, la danse a été toujours considéré comme le miroir de la société, le reflet du quotidien raconté par un corps en mouvement. Un corps qui parle un langage différent, le langage du geste. Un langage qui puise généralement dans des expériences personnelles, dans des souvenirs d’enfance, dans le passé et le présent de l’artiste avec toutes les déceptions, les angoisses, les joies, les inquiétudes et les idées qui l’ont traversé.
La danse n’est ainsi jamais une œuvre « objective » et « déracinée ». Les œuvres programmées lors de cette 4e édition des Journées chorégraphiques de Carthage témoignent bel et bien du poids de cet héritage socio-culturel personnel sur l’acte créatif.
« Solo » de l’artiste-chorégraphe palestinienne Ramz Siam, « Trio » réunissant les trois artistes-chorégraphes égyptiens Ziad Medhat, Mohannad Azzam et Zied Wallace et « Talking to my mum » de l’artiste –chorégraphe burkinabé Aguibou Bougobali Sanou.
Autobiographie dansée, « Solo » présentée sur la scène du Théâtre El Hamra a été un voyage dans le quotidien palestinien, un salut à la résistance palestinienne, à ces hommes et femmes qui n’ont jamais perdu l’espoir et qui continuent à défendre jusqu’au bout leur Palestine bien-aimée. Chargé de symbolique, chaque geste rappelle bel et bien ce qu’affronte au quotidien le corps palestinien au sens propre que figuré, les cicatrices que porte ce corps qui rêve de la liberté et qui cherche sa liberté. Sur la scène du Théâtre El Hamra, la jeune artiste a dansé le classique, le hip-hop, le contemporain…devant un statut. N’importe le pas, seule la persévérance compte.
Ils ont investi « Bab Bhar » (La porte de France) par des corps rebelles et enragés. Des corps qui défendent leur droit d’exister. Le « Trio » égyptien avait un récit à partager, un rêve à attraper. Ils ont dansé pour dire non à toute une politique culturelle qui néglige les villes périphériques accordant tous les privilèges à la Capitale. ils ont dansé en hommage à toute génération qui rêve des jours meilleurs, affrontant les préjugés, refusant la marginalisation.
Création interactive, riche en saveurs et en émotions, « Talking to my mum » de l’artiste –chorégraphe burkinabé Aguibou Bougobali Sanou a plongé l’assistance dans une ambiance cool et joviale. Sur les rythmes traditionnels burkinabés joués en direct, sur scène, de sa petite cuisine et entre ses marmites et ses assiettes, l’artiste a partagé des souvenirs de son enfance et de son adolescence, racontant des moments familiaux très précieux pour lui. Des moments et des émotions qui ont marqué enfant et qui continuent à le marquer et à constituer une source d’inspiration. A la croisée des genres et des chemins, « Talking to my mum » revisite également la mémoire de la société burkinabé à travers plusieurs éléments: la musique, les costumes traditionnels, les plats préparés, l’art du conte et ces relations particulières reliant les membres non uniquement d’une famille mais aussi du quartier…
Sur un ton nostalgique, porté par les saveurs des condiments qui se dégagent des marmites, l’artiste rend hommage à sa mère symbole du partage, de la sagesse, de l’amour inconditionnel, de la tendresse, de la gentillesse, de la force…à une femme qui lui a appris l’égalité entre homme et femme et qui lui a transmis tant de valeurs. Suivant les conseils d’une mère généreuse, Aguibou Bougobali Sanou a préparé des plats qui ont été à cette occasion servis à ceux qui ceux qui se sont rendus à El Hamra, affirmant que tout est partage et que danser, c’est parler de soi pour évoquer toutes les autres.
Communiqué