Le théâtre égyptien, une tribune pour la cause palestinienne
Le conflit israélo-palestinien, qui a repris de plus belle depuis le 7 octobre, suscite l’indignation et la solidarité de nombreux artistes égyptiens, notamment dans le domaine du théâtre. L’un d’eux, Mohamed Sobhi, a récemment fait parler de lui en dénonçant les critiques adressées au footballeur Mohamed Salah, accusé de ne pas s’exprimer assez fermement sur la situation à Gaza. Dans une interview télévisée, l’acteur et metteur en scène a affirmé que le sportif n’avait pas à porter le poids de la responsabilité politique, et qu’il fallait plutôt s’interroger sur le rôle des dirigeants du monde et des médias. Il a également révélé avoir reçu des menaces de fermeture de sa page Facebook, où il publie régulièrement des vidéos exprimant son point de vue sur divers sujets.
Mohamed Sobhi n’est pas le seul à utiliser le théâtre comme un moyen d’expression et de sensibilisation sur la cause palestinienne. Depuis la fin du 19ème siècle, le théâtre égyptien a connu un essor remarquable, sous l’influence de l’Europe et de la France en particulier. Il a été le témoin et l’acteur des grands bouleversements politiques et sociaux qui ont marqué l’histoire du pays, comme la révolution de 2011 qui a renversé le régime de Hosni Moubarak. Le théâtre égyptien a également été un vecteur de la culture et de l’identité nationales, en s’inspirant des formes populaires et traditionnelles, comme le jeu improvisé ou le théâtre d’ombres chinoises.
Aujourd’hui, le théâtre égyptien continue de se renouveler et de se diversifier, en explorant des genres et des thèmes variés, allant de la comédie au drame, en passant par le musical ou le fantastique. Il reflète les aspirations, les préoccupations et les contradictions de la société égyptienne, qui vit entre modernité et tradition, entre ouverture et repli, entre espoir et désillusion. Il se fait aussi l’écho des événements qui secouent le monde arabe et la région, comme la guerre en Syrie, la crise des réfugiés ou le conflit israélo-palestinien.
Parmi les voix les plus audacieuses et les plus originales du théâtre égyptien actuel, on peut citer celle de Bassem Youssef, surnommé le « Jon Stewart égyptien ». Cet ancien chirurgien cardiaque, devenu célèbre grâce à son émission satirique « Al-Bernameg » (« Le Show »), diffusée après la révolution de 2011 et interdite en 2013, vit désormais en exil aux États-Unis. Il a récemment accordé une interview au journaliste britannique Piers Morgan, dans laquelle il a abordé avec humour noir et sarcasme la situation à Gaza. Il a notamment ironisé sur le discours du journaliste américain Ben Shapiro, qui avait appelé à « tuer autant de Palestiniens que possible », et sur la résistance des Palestiniens, qu’il a qualifiés de « très difficiles à tuer ». Il a aussi dénoncé l’hypocrisie et l’indifférence de la communauté internationale, qui ne fait rien pour arrêter les massacres et pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire.
L’interview de Bassem Youssef, qui a été largement relayée sur les réseaux sociaux, a suscité des réactions contrastées, entre admiration et indignation, entre rire et colère. Elle témoigne de la puissance du théâtre, qui peut être à la fois un art, une arme et un miroir. Un art qui sublime la réalité par la fiction, une arme qui dénonce l’injustice par la provocation, un miroir qui reflète la souffrance par l’empathie. Le théâtre égyptien, en se faisant l’avocat de la cause palestinienne, montre qu’il est plus qu’un divertissement, qu’il est une prise de position, un engagement, une résistance.