« La Voix de Hind Rajab » : Un triomphe historique pour le cinéma tunisien à la Mostra de Venise

the voice of hind rajab

Six prix parallèles sur huit possibles et une ovation record de 24 minutes : le film de Kaouther Ben Hania marque la 82e édition du Festival de Venise d’une empreinte indélébile

Le cinéma tunisien vient de vivre l’un de ses moments les plus glorieux. « La Voix de Hind Rajab » (The Voice of Hind Rajab), le septième long-métrage de la réalisatrice Kaouther Ben Hania, a créé l’événement à la 82e Mostra de Venise en remportant six distinctions majeures parmi les huit prix parallèles décernés par le festival, un exploit rarissime dans l’histoire de la prestigieuse manifestation vénitienne.

Un palmarès exceptionnel qui consacre l’impact universel du film

Les six récompenses obtenues témoignent de la portée universelle du message porté par cette œuvre bouleversante :

  • Leoncino d’Oro (Lionceau d’or), décerné par un jury de jeunes spectateurs
  • Premio Croce Rossa Italiana (Prix de la Croix-Rouge italienne), honorant les films au message humanitaire fort
  • Premio Arca Cinema Giovani (Prix Arca Cinéma Jeunes)
  • Segnalazione Cinema for UNICEF (Mention spéciale Cinéma pour l’UNICEF)
  • Premio Sorriso Diverso (Prix du sourire de la diversité)
  • CICT UNESCO Enrico Fulchignoni Award (Prix UNESCO CICT Enrico Fulchignoni)

Cette moisson de prix parallèles s’accompagne d’une reconnaissance du public tout aussi exceptionnelle : lors de sa première projection le 3 septembre, le film a été salué par une ovation record de 24 minutes, ponctuée de slogans de soutien à la Palestine et de drapeaux brandis dans la salle du Palazzo del Cinema.

Une œuvre née d’une urgence artistique et humanitaire

Sélectionné en compétition officielle pour le Lion d’Or, « La Voix de Hind Rajab » s’inspire du drame vécu par une fillette palestinienne de six ans, Hind Rajab, tuée le 29 janvier 2024 à Gaza lors d’un bombardement israélien. Bloquée pendant des heures dans une voiture entourée des corps de sa famille, l’enfant avait multiplié les appels au secours auprès du Croissant-Rouge palestinien.

Kaouther Ben Hania a découvert cette tragédie lors d’une escale à Los Angeles, en pleine campagne pour les Oscars de son précédent film « Four Daughters ». « Lorsque j’ai entendu pour la première fois la voix d’Hind Rajab, il y avait quelque chose de plus que sa voix. C’était la voix de Gaza qui appelait à l’aide », confie la réalisatrice. Cette révélation l’a poussée à interrompre tous ses projets pour se consacrer entièrement à ce film, réalisé en seulement douze mois – son tournage le plus rapide à ce jour.

Un dispositif narratif radical au service de la mémoire

Le film repose sur un choix artistique audacieux : tourné dans un lieu unique, il utilise les enregistrements audio authentiques des conversations téléphoniques de Hind Rajab comme fil narratif central. La violence reste délibérément hors-champ, privilégiant « l’invisible : l’attente, la peur, le bruit insupportable du silence quand aucune aide n’arrive ».

« Nous voyons que, partout dans le monde, les médias présentent les morts à Gaza comme des dommages collatéraux. Je trouve cela si déshumanisant », explique Ben Hania. « Le cinéma peut préserver la mémoire. Le cinéma peut résister à l’amnésie », ajoute la cinéaste, pour qui cette œuvre transcende le seul conflit palestinien pour toucher « une douleur universelle ».

Un soutien international d’envergure

Le projet a bénéficié d’un soutien exceptionnel de la part de figures majeures du cinéma mondial. Brad Pitt, Joaquin Phoenix, Rooney Mara, Alfonso Cuarón et Jonathan Glazer (oscarisé pour « La Zone d’Intérêt ») figurent parmi les producteurs exécutifs, aux côtés de Plan B Entertainment, Film4 et MBC.

Cette mobilisation du cinéma international témoigne de l’impact émotionnel et politique du film, qui s’inscrit dans une Mostra 2025 marquée par un engagement fort en faveur de la cause palestinienne, avec l’organisation de manifestations de soutien par le collectif Venice4Palestine.

De Venise aux Oscars : une trajectoire prometteuse

Avant même sa projection vénitienne, « La Voix de Hind Rajab » avait été officiellement sélectionné par la Tunisie pour représenter le pays dans la course à l’Oscar du meilleur film international 2026. Cette coproduction tuniso-française, produite par Tanit Films et Film4 Productions, poursuivra son parcours dans les festivals internationaux, notamment à Toronto, San Sebastián, Londres et Busan.

Le film, d’une durée de 89 minutes et interprété par Amer Hlehel, Clara Khoury, Motaz Malhees et Saja Kilani, sortira en avant-première nationale en Tunisie le 10 septembre avant une sortie générale le 17 septembre 2025.

Un tournant pour le cinéma tunisien

Avec ce triomphe vénitien, Kaouther Ben Hania, déjà reconnue internationalement pour « L’Homme qui a vendu sa peau » et « Four Daughters » (tous deux candidats aux Oscars), confirme sa place parmi les cinéastes les plus importants de sa génération. Son approche, mêlant fiction et documentaire, réalité et reconstitution, impose une esthétique singulière au service d’un cinéma engagé.

« La voix de Hind Rajab sera entendue », espérait la réalisatrice. Mission accomplie : par-delà les frontières et les clivages, cette œuvre s’impose comme un cri universel contre l’indifférence, porté par la force du septième art et consacré par la reconnaissance internationale la plus prestigieuse.


Le film « La Voix de Hind Rajab » représente la Tunisie dans la course aux Oscars 2026 et sortira dans les salles tunisiennes le 17 septembre 2025.

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