« JAD » de Jamil Najjar : Quand le cinéma tunisien dénonce avec force les dérives du système hospitalier

Un drame bouleversant inspiré de faits réels remporte le Prix du Meilleur Acteur au Festival du Film Arabe de Casablanca
Le cinéma tunisien franchit une nouvelle étape avec « JAD », film choc du réalisateur Jamil Najjar qui ausculte sans complaisance les défaillances du système de santé national. Cette œuvre courageuse, saluée par la critique internationale, vient de décrocher une reconnaissance prestigieuse lors du Festival du Film Arabe de Casablanca.
Une genèse douloureuse au service de la mémoire
Inspiré d’une tragédie réelle, « JAD » n’est pas un film comme les autres. Cette production indépendante rend hommage à un jeune homme décédé suite à un traitement inhumain dans un hôpital tunisien, transformant un drame personnel en cri universel contre l’indifférence institutionnelle.
Réalisé en seulement deux mois avec des moyens limités, le film de Jamil Najjar compense l’austérité budgétaire par une intensité émotionnelle rare. « JAD a été conçu comme un acte de mémoire, un hommage personnel et un cri de douleur contre les défaillances du système de santé tunisien », explique le réalisateur, qui signe là son œuvre la plus personnelle.
Un style épuré au service de l’authenticité
Loin du spectaculaire, Jamil Najjar privilégie une mise en scène minimaliste où chaque silence porte son poids de sens. Cette approche rigoureuse, qui mise sur les regards et les gestes suspendus plutôt que sur les effets de manche, renforce l’authenticité du propos et l’impact émotionnel du récit.
Le film explore avec finesse la complexité des liens familiaux, notamment la relation fraternelle au cœur de l’intrigue, où s’entremêlent amour, culpabilité et souvenirs dans un drame sobrement orchestré.
Un casting d’exception salué par la critique
Pour porter cette histoire intime, le réalisateur s’est entouré d’interprètes de premier plan. Mohamed Mrad, dans le rôle principal, livre une performance d’une rare intensité qui lui a valu le Prix du Meilleur Acteur au Festival du Film Arabe de Casablanca. « Un rôle difficile, servi avec une sincérité désarmante », a souligné le jury, saluant un jeu tout en retenue qui évite tout artifice.
Aux côtés de cette prestation magistrale, Yasmine Dimassi apporte luminosité et émotion, tandis qu’Abdelkrim Bennani complète ce trio d’exception par une interprétation d’une bouleversante vérité. Saoussen Maalej enrichit également cette distribution qui transforme chaque personnage en figure emblématique de la douleur et de la résistance.
Un impact immédiat sur le public
Dès sa première projection au Festival de Casablanca, « JAD » a créé l’événement. Le long silence qui a suivi le générique de fin témoignait de l’émotion saisie du public, conquis par cette œuvre qui dérange autant qu’elle émeut.
Ce succès critique ne doit rien au hasard : en s’appuyant sur des faits réels, Jamil Najjar livre un réquisitoire implacable contre un système gangrené par la négligence et la corruption, tout en rendant leur dignité aux victimes oubliées.
Un réalisateur confirmé au parcours exemplaire
Né en 1980 à La Goulette, Jamil Najjar a forgé son regard de cinéaste à l’Institut Supérieur des Arts et Multimédias de La Manouba, où il obtient son diplôme d’assistant réalisateur en 2000. Après plusieurs courts métrages remarqués, dont « Offside » primé au Festival Amateur de Kélibia en 2003, il s’impose progressivement comme une voix singulière du cinéma maghrébin.
Avec « JAD », le réalisateur tunisien franchit un cap décisif, confirmant son statut d’auteur engagé capable de transformer la réalité sociale en matière cinématographique sans jamais tomber dans le didactisme.
Une reconnaissance qui ouvre de nouveaux horizons
La distinction obtenue à Casablanca propulse « JAD » sur la scène internationale et ouvre la voie à une diffusion plus large. Ce succès confirme la vitalité du cinéma tunisien et sa capacité à porter un regard critique sur les enjeux sociétaux contemporains.
Au-delà de la récompense, c’est tout un pan du septième art maghrébin qui se trouve mis en lumière, prouvant que l’indépendance budgétaire n’entrave en rien l’ambition artistique quand elle se met au service d’un propos fort.
Un cinéma qui interpelle et qui dérange
« JAD » s’inscrit dans la tradition du cinéma social engagé, utilisant la fiction pour révéler des vérités que le documentaire peinerait parfois à exposer. En choisissant de raconter l’indicible avec les armes du cinéma, Jamil Najjar livre une œuvre qui transcende le divertissement pour devenir un acte citoyen.
Cette approche courageuse fait de « JAD » bien plus qu’un simple film : un miroir tendu à la société tunisienne et un appel à la prise de conscience collective. Une leçon de cinéma autant qu’un cri d’alarme qui résonne bien au-delà des frontières nationales.
« JAD » de Jamil Najjar s’annonce comme l’un des films incontournables de l’année, porteur d’un message universel sur la nécessité de préserver la dignité humaine face à l’indifférence institutionnelle.