Performance « Jieker » par Thania Petersen, avec Lobna Noomen et la troupe Al-Aissaouia « Antom Sadati » dirigée par le Cheikh Azzeddine Farjani

Vernissage le 10 juin 2022 à 19h

Que disent le geste et le souffle, les parfums répétés des soirées de Mouled ? D’où viennent ces chants si familiers, l’odeur de rose et la voix étouffée des adorateurs d’Allah ?

C’est un récit sensoriel que nous livre Thania Petersen. Une histoire des rites et de l’émotion, où les mots comptent moins peut-être que le sentiment ravivé. D’abord, couper les feuilles de citronnier. Ensuite, encenser le tout avec le louben. Ajouter le musc, les huiles et l’eau de fleur d’oranger. Enfin, répartir le mélange dans des milliers de petits sacs d’organza.

Les mains s’agitent, la parole se délie, le dhikr ou jiker peut commencer et la tradition perdure.

Cette pratique remonte aux populations d’Asie du Sud-Est déplacées de force vers le Cap par les colons néerlandais au XVIIe siècle. Les parfums, eux, agissent comme réminiscence de l’Afrique du Nord et nous racontent une autre histoire des échanges culturels et religieux entre l’Asie et l’Afrique. Ce qui importe à l’artiste, c’est le mouvement, la circulation incessante – des sons, des mélodies, des rites et des rythmes. Ceux-ci ont traversé les âges et les mers, portés par les voyageurs, messagers, prisonniers ou déportés.

Si l’identité nous obsède, la question cruciale se pose ailleurs : dans le mouvant et l’éphémère plutôt que l’identique ; dans le fluide et l’intangible. Thania Petersen fait de la réponse une quête continue. Elle puise dans une mémoire ancestrale des mythes et symboles qu’elle détourne et sublime pour dresser une histoire spirituelle plutôt que nationale et porter, dans le geste et le souffle inlassablement répétés, la quête des origines, du divin, de l’être en tant qu’être ou de l’Un.

Par la création ou transgression du réel, l’artiste nous porte sur les chemins de la guérison. C’est qu’il faut soigner la honte et combattre la peur, embrasser l’absurde, accepter la nuance et le doute. Chacune de ses œuvres porte tout à la fois la douleur et la grâce, l’héritage et l’avenir, l’idée de l’absolue nécessité de réparer le lien perdu.

Il est temps, souffle-t-elle, de se libérer des récits suffocants, victimaires ou dominants. Une autre histoire existe. L’amitié, le souvenir doivent en être la clé.

« Chantons de nouveau ensemble, vieil ami ». C’est là peut-être le seul moyen de restaurer la dignité.

                                    Camille Lévy Sarfati, curatrice de l’exposition —

Thania Petersen est une artiste visuelle multidisciplinaire basée à Cape Town. Elle s’exprime à travers la vidéo, la photographie, la performance, la tapisserie ou l’installation.

Son travail est présenté dans le monde entier, et notamment au Smithsonian Museum (Washington DC), World Cultures Museum Rotterdam (Pays-Bas), The Durban Art Gallery (Afrique du Sud), The Iziko South African National Gallery (Afrique du Sud), The Jochen Zeitz Collection (South Africa), ou The Yeojoo City Collection (Corée du Sud).

L’exposition Can We Sing Together Again, Old Friend? est le fruit d’une résidence artistique de près de trois mois au 32bis.

L’exposition se poursuit du 10 juin au 29 juillet 2022, du mercredi au dimanche, de 16h à 20h.

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