Sora, l’outil d’intelligence artificielle qui révolutionne la création de vidéos et inquiète les professionnels

La société Open AI, connue pour son programme Chat GPT qui permet de dialoguer avec une intelligence artificielle, vient de dévoiler son nouvel outil nommé Sora. Il s’agit d’une technologie capable de produire des vidéos d’une minute à partir d’une simple demande en une ligne. Les vidéos générées par Sora sont d’une qualité impressionnante, avec des scènes composées de plusieurs personnages, des mouvements réalistes et des détails précis. Par exemple, Sora peut créer une vidéo d’une créature fantastique à côté d’une bougie, ou d’un homme marchant dans un espace vaste.

Ce progrès technologique ouvre de nouvelles perspectives dans les domaines de l’innovation artistique, des jeux vidéo, des médias et de la publicité. Mais il soulève aussi des interrogations et des inquiétudes sur les conséquences éthiques, juridiques et sociales de cette intelligence artificielle générative.

L’innovation artistique face au défi de l’intelligence artificielle

Les créateurs de contenus visuels, qu’il s’agisse de cinéastes, de photographes ou d’artistes numériques, sont confrontés à un dilemme : comment se positionner face à un outil qui peut reproduire ou surpasser leur travail ? Certains voient dans Sora une opportunité de stimuler leur créativité, de gagner du temps et de réduire les coûts de production. D’autres craignent que Sora ne remette en cause leur originalité, leur authenticité et leur valeur ajoutée.

Thomas Bellingr, l’un des fondateurs de la société Cutback Productions, spécialisée dans la production de vidéos, témoigne : « Nous avons suivi l’évolution du secteur de la génération d’images, ce qui a créé un grand débat interne, et parfois des réactions immédiates de la part des créateurs. Il y a ceux qui se sentent que c’est une tempête qui ne peut être arrêtée et qui avance très vite, et ceux qui n’en ont pas fait grand cas. Personne n’a encore testé le nouveau produit d’Open AI, mais ce qui est sûr, c’est que quelqu’un s’attendait à cet outil technologique dans quelques semaines. Nous trouverons à l’avenir différentes façons d’innover ».

Les jeux vidéo à l’ère de la génération automatique

Le secteur des jeux vidéo, qui repose largement sur la création de mondes et d’histoires immersives, pourrait connaître un changement radical grâce à Sora. En effet, cet outil pourrait permettre aux développeurs de jeux de créer des scènes et des personnages plus variés, plus réalistes et plus interactifs, sans avoir recours à des techniques coûteuses et chronophages comme le motion capture ou le rendu 3D.

La société française Ubisoft, leader mondial du jeu vidéo, a salué ce progrès technologique. Un porte-parole de la société a déclaré : « Nous explorons ces possibilités depuis longtemps, et en tant que créateurs de mondes et d’histoires, nous voyons qu’il y a un grand nombre d’opportunités futures ouvertes aux joueurs et à nos équipes, pour exprimer leur imagination et leur créativité avec plus de fidélité ».

Mais tous les acteurs du secteur ne partagent pas cet enthousiasme. Le directeur du studio Alchemy, basé à Nantes, a exprimé ses réserves : « Je trouve que l’utilisation de ce programme en ce moment est un peu délicate. Je n’ai pas l’intention de remplacer mes collègues artistes par ces outils, qui se limitent à reproduire des choses faites par les humains. Mais je reconnais que cet outil, impressionnant sur le plan visuel, pourrait être utilisé par les studios d’innovation de petite taille pour produire des images de qualité professionnelle ».

Les médias face au risque de la désinformation

L’un des domaines les plus sensibles à l’impact de Sora est celui des médias, qui doivent garantir la fiabilité et la véracité de l’information. Or, avec Sora, il devient possible de créer des vidéos qui semblent réelles, mais qui sont en fait fausses ou manipulées. Cela pose un problème majeur pour la crédibilité des sources, la confiance du public et la lutte contre la désinformation.

Basil Simon, ancien journaliste et chercheur actuel à l’université américaine de Stanford, a évoqué un « saut effrayant qui s’est produit l’année dernière », exprimant sa crainte de la façon dont cet outil sera utilisé pendant les périodes électorales, et redoutant que le public se retrouve dans une situation « incapable de savoir ce qui peut être cru ».

Julien Ban, présentateur de l’émission « Vrai ou Faux » consacrée à la vérification des informations sur la chaîne France Info, a également exprimé son inquiétude, disant que jusqu’à présent il était très facile de détecter les images fausses, en observant que les visages se répètent en arrière-plan par exemple. Mais il semble que ce que ce nouveau programme offre est à un autre niveau. « Nous n’avons pas de solution magique », a-t-il déploré.

Il a suggéré que les vidéos générées par Sora soient marquées pour indiquer qu’elles sont artificielles, et que Open AI respecte cette règle. Mais il s’est interrogé sur la réaction des concurrents chinois ou russes à l’avenir, qui pourraient utiliser Sora à des fins malveillantes.

La publicité à la recherche de nouveaux formats

Enfin, le secteur de la publicité, qui utilise largement la vidéo comme support de communication, pourrait également profiter de Sora pour créer des campagnes plus innovantes, plus personnalisées et plus adaptées aux besoins des clients. Sora pourrait ainsi permettre aux agences de publicité de proposer des formats plus courts, plus dynamiques et plus engageants, tout en réduisant les coûts de production et les délais de livraison.

L’agence Fred and Fred, qui a déjà collaboré avec des marques telles que Longchamp et Budweiser et qui a ouvert un studio dédié à l’intelligence artificielle début janvier, s’attend à ce que « 80% du contenu des marques soit créé à partir d’outils d’intelligence artificielle, ce qui va recentrer l’attention sur le génie créatif, et la production va cesser d’être un sujet ».

Stéphanie Laborde, directrice et fondatrice de l’agence de publicité et d’influence OTTA, estime que l’outil est susceptible de « changer le secteur de manière forte », mais elle prévoit un « recul du côté de la production », car les entreprises auront recours à ces nouveaux outils lorsque leur budget sera moyen ou bas.

Elle considère que le secteur des produits de luxe pourrait faire exception, car il est « très sensible sur le côté de l’authenticité, et les marques dans ce domaine pourraient utiliser l’intelligence artificielle de manière limitée ».

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